La Thérapie Psycho-Corporelle 1. L'histoire du sujet est inscrite dans son corps 2. La partie souffrante exprime la division du moi 3. Une parole habitée, une parole qui guérit 4. Le corps comme un livre 5. Une attitude de responsabilité 1. L'histoire du sujet est inscrite dans son corps
Le corps, au-delà du biologique, de l’anatomique, de l’objet, est d’abord corps sujet. Il est "mémoire" dans laquelle sont enregistrées nos expériences. Il porte la marque et les signes du vécu, de la relation au monde et de la coupure du monde fusionnel de l'origine créée par l’apprentissage du langage. Un symptôme somatique, de quelque nature qu’il soit, peut être l’expression d’un blocage, d’une situation inachevée qui demande attention, comme une figure privée d’un arrière-plan sur lequel elle s’est constituée. La psychothérapie psycho-corporelle envisage l’approche thérapeutique dans une double lecture : elle pratique conjointement l’écoute attentive de l’histoire du sujet et celle des manifestations corporelles associées. Elle guide ainsi deux cheminements parallèles dont la prise en compte simultanée est opérante. Les mots s’incarnent d’autant mieux dans leur valeur affective que la conscience du sujet est mobilisée dans son ressenti. Habiter son langage, c’est aussi le vivre, l’entendre dans sa chair. Les sons du corps sont faits de mouvements, de sensations et d’expressions intimes qui donnent vie aux mots ou les contredisent. 2. La partie souffrante exprime la division du moi Lorsque "l’incontrôlé" surgit dans le corps, à travers un mouvement, une sensation qui dérange ou toute autre manifestation involontaire, il témoigne de la présence d’une partie inconnue qui fait souvent peur. Un resserrement dans l’estomac, une crise de tétanie, une tension dans la nuque… sont la façon dont s’exprime la partie enfermée, la partie souffrante. Souvent, à ce moment-là, le sujet réalise que "quelque chose" étouffe en lui, qu’il est divisé. La force d’autodestruction est à l’inverse de la force de vie. Elle est l’énergie de vie retournée contre soi. Le travail du psychothérapeute psycho-corporel est à la fois essentiel et subtil : aider son patient à "considérer" cette partie de lui-même qui étouffe et qu’il étouffe. 3. Une parole habitée, une parole qui guérit "A l’inverse, si rien n’est fait, ne pourrions-nous pas concevoir que la rigidité d’un système de croyances ou le blocage des émotions... n’aboutissent à une cristallisation locale que nous appelons une maladie" (cf. Guy Corneau "La guérison du cœur"1 2000). Dans cette façon de considérer la maladie, la réponse somatique s’installe pour préserver l’économie générale du sujet, lui évitant ainsi une insupportable remise en question de ses croyances ou de ses valeurs et un possible déséquilibre psychique. Pour l’aborder, le consultant doit éprouver un sentiment de confiance suffisant dans son psychothérapeute. Car "la seule façon d’atteindre les contenus inconscients dans la pratique, consiste à essayer de fournir au conscient, une attitude permettant à l’inconscient de coopérer au lieu de s'opposer" C.G. Jung. S’il existe un art thérapeutique, c’est là qu’il se situe. Car cet aspect de la réalisation thérapeutique demande une juste adaptation, une présence innovante qui tienne compte de l’originalité propre du sujet pour lui fournir le point d'appui nécessaire et l’aider à réaliser ainsi ce passage de "l’enfermé" vers l’extérieur. Un geste, une parole, parfois un simple regard du psychothérapeute, ou un silence, permettront le lâcher prise nécessaire où les mots du sujet résonnant soudain d’accents nouveaux, libèrent une parole habitée, une parole qui guérit... Cette parole est souvent accompagnée d’expressions émotionnelles de la souffrance retenue et constitue une étape décisive du cheminement thérapeutique. Elle se traduit par un mieux-être général, une respiration dans la vie du patient qui suffira à son attente, s’il le décide. « Et la question, plus profondément, est de savoir ce qui émerge, ce qui se dit ou cherche à se dire en moi à travers mon corps dans ces manifestations. Là, on commence à aborder plus concrètement l’intelligence du corps et la parole du corps. Ces manifestations sont une façon de parler. Ce ne sont pas des mots. Ça parle par une vibration, ça parle par des sensations, ça peut parler par des douleurs, des maladies. Pour certains, ça parle par des gestes, des mouvements. C’est là où l’accompagnement du psychothérapeute peut être fort utile, parce qu’il va fournir un miroir en face ; s’il est sensible à la corporalité, il va dire à la personne ce qu’il voit. Cette sensibilité à la corporalité, il va la faire partager à la personne. (…) Avec les approches des thérapies psycho-corporelles, on a la possibilité de dire sa peur, de laisser se montrer sa peur, ou ses larmes, si ce sont des larmes, etc. – on peut entrer dans des choses extrêmement subtiles qui, si elles sont exprimées libèrent cette relation tête-corps ».La place du corps dans ce processus, envisagé sous l’angle de la psychothérapie psycho-corporelle, est fondamentale. "Que sentez-vous dans votre corps, ici et maintenant" était une des questions favorites de Fritz Perls, fondateur de la Gestalt-thérapie . "L’ici et maintenant" du ressenti corporel renvoie notamment à la conscience kinesthésique, à l’attention portée au "dedans" par antagonisme ou complémentarité avec le dit, le manifesté du "dehors".Cette adéquation possible entre le dedans et le dehors traduit une recherche d’unification de la psyché. Elle rend sensible le lien avec la nature. En accueillant le contact avec ce corps animal, mémoire cellulaire de l’instinct et de l’héritage transgénérationnel, le sujet se ressent dans le monde, faisant partie du monde. 4. Le corps comme un livre Le corps montre, révèle la personnalité caractérielle. Il se lit comme un livre, il raconte quelque chose du sujet comme "cet homme aux bras et à la poitrine extrêmement développés et qui marche sur ses minces jambes d’adolescent... cette femme aux hanches et aux cuisses solides... qui a gardé ses seins de petite fille" (cf. Jack Painter "Le travail psycho-corporel en profondeur"3). Des événements passés, mais aussi les peurs du futur laissent des traces dans les tissus, modèlent le caractère et constituent la cuirasse musculaire et caractérielle.Wilhelm Reich, qui fit un temps partie des élèves de Sigmund Freud, la décrivait comme constituée par une série de sept segments circulaires entourant le corps, depuis les yeux jusqu’au bassin. Dans cette lecture du corps, chacun de ces segments retient et limite une partie de la personnalité. L’histoire du sujet se lit dans son inscription psycho-corporelle. Le concept de "bodymind", de corps-conscience traduit la synergie indissociable entre l’inscription corporelle et les traces psychiques laissées dans les mémoires du sujet par les situations traumatisantes..“Toute rigidité musculaire contient l’histoire et la signification de son origine” écrit W.Reich dès 1930. Il considère que l’ensemble des contractions musculaires, qu’il appelle la cuirasse musculaire, sont l’expression au niveau somatique, des mécanismes de défense de la personne. Comme Winnicott qui remplacera le clivage corps-esprit par l’unité psyché-soma, Reich définit une unité psychosomatique de l’être humain. Les continuateurs anglo-saxons du courant des thérapies psycho-corporelles utilisent aujourd’hui le concept de « bodymind » de corps-conscience qui traduit cette synergie indissociable entre l’inscription corporelle et les traces psychiques laissées dans les mémoires du sujet par les situations traumatisantes. 5. Une attitude de responsabilité Le questionnement des souffrances existentielles dans leurs correspondances somatiques et à l’inverse celui des tensions physiques chroniques dans leurs correspondances psychiques font partie de l’approche de la psychothérapie psycho-corporelle. Le cheminement thérapeutique passe alors par la prise en compte de cette dialectique, qui va progressivement éclairer le patient sur la façon dont il traite sa propre souffrance. Son comportement réactif et projectif se transforme alors en attitude de responsabilité.A ce moment-là, le patient ne réagit plus pour ou contre sa souffrance, il se réconcilie avec cette partie de lui-même. Ce processus d’intégration où la psychothérapie joue un rôle essentiel, rend disponible l’énergie bloquée auparavant dans certaines défenses musculaires et caractérielles. Cette énergie retrouvée se traduit de façon concrète par un apport revitalisant chez le sujet qui souvent déploie alors de nouvelles capacités et prend mieux sa vie en main. 1 Guy Corneau "La guérison du cœur", Edition Robert Laffont 20002 2 Michel Serres, "Variation autour du corps", Edition le Pommier 19993 3 Jack Painter, "Le travail psycho-corporel en profondeur", Edition Maloine 1992 Nous sommes des créatures qui nous affligeons des conséquences dont nous continuons à adorer les causes". Bossuet (1627-1704) « Paracelse disait : toute médecine est amour. Disons aussi et surtout : tout amour est médecine. » Edgar Morin >>>
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